il nous refait le coup, diront certains qui se souviennent de la mutation, trois ans auparavant, de Narrativiste en 500NDG. Pourtant, au delà du nom, les changements sont réels. Le rythme des parutions s’est accéléré, grâce à de nouveaux process (la caravelle, sa connexion avec le CF traditionnel, etc…). La qualité n’a fait qu’augmenter et l’objet s’est définitivement élargit à la littérature. Mais il faut maintenant franchir un nouveau Rubicon….ou mourir.
Voici donc une « synthèse » sur les questions qui se posent à l’attention de ceux qui accompagnent 500NDG depuis quelque temps déjà et aux autres. La discussion se poursuit (ou pas) sur le forum. Commentaires, questions, réactions, bienvenus.
Les réussites, les impasses et les enjeux
500NDG a pas mal progressé, depuis les premiers temps de Narrativiste. Mais les succès génèrent eux même des impasses. De mon point de vue, voici les principaux éléments qui motivent la nécessité d’un nouveau changement.
1- Sortir du bénévolat pour pérenniser: Soyons francs. Après 7 ans de bénévolat a la tête de l’association et une quantité [placez ici votre adjectif démesuré] de travail investie en plus de mon travail nourricier, mon énergie a été passablement entamée. Cela a été nécessaire pour que 500NDG existe, mais ce n’est pas soutenable. Pour poursuivre, il faut donc la convertir en activité principale et justifier l’investissement. Ou abandonner. 500NDG a atteint une certaine taille, encore bien modeste, mais la dynamique est là.
2- Mettre en cohérence le réseau 500NDG : au cours de ces années, et le phénomène s’est amplifiée avec la Caravelle et ExoGlyphes, 500NDG est au centre d’un réseau fédérant beaucoup d’acteurs, pros ou amateurs, individus ou structures, de manière plus ou moins formalisée. Ça c’est avéré être un succès indéniable et un élément clef du process (par exemple, en poursuivant le programme de traductions des jeux narratifs les plus difficiles à marquetter en papier en les faisant sortir de la sphère commerciale : Capes, SWM, Dread, bientôt Blood Red Sand, etc…). Mais la diversité des contributeurs, aux objectifs et statuts très différents est complexe à gérer, dans un flou (a)légal pas toujours commode.
3- Approfondir la ligne éditoriale: 500NDG ne s’est jamais définie comme « maison de publication indé » ou « de JDR ». Dès le départ, son objectif a été de s’appuyer sur les Storygames pour toucher un public plus large, celui des anciens joueurs et celui des non joueurs intéressés par la fiction. Faire sortir les « jeux pour créer de la fiction » du petit monde du JDR. Cet objectif a échoué (même si à la marge…). Il a d’ailleurs échoué aux USA également, ou (c’est mon analyse, et j’ai vu que d’autres la partageaient là bas) le mouvement des jeux narratifs créatifs et radicaux tend à céder la place aux déclinaisons des jeux pbta/Fate. Un « embourgeoisement », si vous voulez. Donc plutôt que d’aller à la montagne, 500NDG a commencé a faire venir la montagne à domicile. Je veux parler des traductions de romans et du rapprochement avec des maisons comme Mnémos, et de la surcouche JDR sur tout ça, l’idée étant de créer une « circulation » de facto entre les publics (lecteurs/joueurs), et avoir accès aux joueurs potentiels en dehors des boutiques de jeu. Poursuivre cet objectif nécessite des moyens et des partenaires solides, qui dépassent le seul crowdfunding.
4- Dépasser les limites du crowdfunding, justement : je m’en suis pas mal rengorgé, mais c’est un fait, 500NDG a été l’une des toutes premières structures du monde du jeu (de rôle et de plateau) à utiliser, en France le crowdfunding (les écuries d’Augias nous ayant précédé d’un mois ou deux). Le fait est que sans crowdfunding, 500NDG n’aurait jamais existé (tout comme beaucoup de maisons créés par la suite). Mais ce mode de financement génère aussi beaucoup de questions -et de perversions- qui ne font que s’accroître: détournement des fonctions de financements (et confusion des usagers), tendance à la « figouzisation » au détriment du contenu, amplification de l’effet buzz propre au net et de « communautarisation ». Le passage à Tipee et l’usage qu’on en fait a été une façon d’apporter certaines réponses (en dématérialisant les contenus ) et a permis effectivement de poursuivre l’édition de jeux les plus en marge des attentes communautaires. Mais ce n’est pas suffisant.
A toutes ces raison, j’en rajouterai une. Peut être la plus importante : poursuivre l’aventure engagée, le plaisir de mettre la main là ou le pied de l’homme, etc… et puis, merde, de toute façon, si tu meurs tu refaits un perso.
Pour faire quoi ?
Le « nouveau » 500NDG systématiserait un virage déjà pris, avec trois types de productions étroitement liés entre elles.
1/ Des romans, traductions de livres-univers inédits pour la plupart, édités à travers ExoGlyphes ou directement par 500NDG (ex: La laverie) Soit,pourquoi pas, des « novélisations » dérivés de JDR. Un projet est déjà en cours sur Berlin XVIII.
2/ Des Jeux de rôles, essentiellement propulsés à Fate et à l’Apocalypse, adaptés d’œuvres des littératures de l’imaginaire édités par 500NDG ou en partenariat avec d’autres maison (comme pour le projet « Tschai« , fin septembre). Mais aussi quelques jeux en boite, adaptés de jeux narratifs compétitifs.
3/ Des beaux-livres, remplaçant les « backgrounds », mieux illustrés, etc…) car se destinant à un public plus large (intéressant aussi bien les joueurs que les non joueurs). Cette séparation de background est rendue possible par la nature des jeux narratifs – jeux « pbta » inclus – qui ne présentent pas comme dans les JDR de dichotomie règles-univers. En clair, ce qui constitue plutôt un problème dans le monde du JDR (« mais il n’y a pas de background dans ce jeu !? » comme je l’entendais à la découverte de DW V1…) cela peut devenir une ressource en laissant du champs libre. De plus, comme beaucoup de joueurs de JDR appartiennent en réalité a la catégorie des joueurs morts-vivants (ceux qui lisent les jeux mais n’y jouent plus), le livre-univers parait être un excellent aboutissement.
Le but de cette offre est de désenclaver le JDR :
1/ Économiquement, ça permet de toucher un public plus large (seule 1/3 de l’offre ci-dessus est limitée aux rolistes) et donc de dégager plus de moyens pour des projets plus ambitieux et une sérénité plus grande.
2/ Socialement, ça permet de faire circuler les publics, du roman vers le JDR et vice et versa.
3/ Culturellement, ça permet d’enrichir la culture « roliste » plutôt que la voir tourner en rond sur des références propres. Symétriquement, la culture roliste se rend utile en venant au secours des cultures de l’imaginaires, qui en ont bien besoins dans certains domaines.
Mais pour faire tout ça, il faut des moyens supérieurs, en travail et en capital. Ne serait-ce que parce qu’on rentre dans le secteur de l’édition proprement dit, plus seulement dans la niche du JDR. Les tirages, les réglementations et « standards » sont plus élevés.
Eviter le syndrome Fnac-Asmodée
La problématique qui se pose à 500NDG est donc de croître pour assurer sa stabilité et améliorer sa production, tout en évitant le syndrome Fnac-Asmodée (bien, que, on est d’accord, ce n’est pas ce qui peut lui arriver de pire….).
Rappelons que le fleuron de la grande distribution culturelle française était au départ issu de ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie sociale: son but premier n’était pas de dégager un profit mais de rendre un service (procurer des produits de qualité et bon marché) à ses adhérents (l’adhésion étant, au départ obligatoire). Vous savez ce qu’il en est advenu avec les années. Quant à Asmodée, qui bénéficie de ses pubs télés et s’attaque aux Monopoly et autres Croques-carottes, qu’il est loin le temps de Siroz, THE éditeur « underground » (on ne disait pas « indé » à l’époque), et même le temps ou Asmodée-avec-accent était devenu le principal éditeur de JDR français…(avant d’abandonner toutes ces activités JDR, il y a 10 ans presque jour pour jour).
Tout ça pour dire qu’il semble planer une loi d’arain sur les entreprises culturelles « pointues » : au long terme, soit elles suivent le marché et les profits (même relatifs) et abandonnent leur objet….soit elles suivent d’abord leur ligne éditoriale et finissent par disparaître (dans le domaine du JDR, encore, l’exemple de Jeux Descartes Vs Asmodée – voire Hexagonal, est assez éclairant).
La solution est, à ce stade, serait non seulement de conserver l’inscription dans une « autre économie », mais plus encore de l’approfondir en mettant au centre du projet la dimension « participative », garante de sa viabilité et de la continuité de son objet. Dans l’idéal (s’il existe des types de coopératives qui le permettent et si assez de gens sont intéressés) il y aurait trois types de participants :
1/ les capitalistes/gérants : ceux qui mettent des sous, prenez des risques, et travaillent le plus régulièrement. Votre serviteur en est (qui apporte en sus tout 500NDG) et idéalement, il y en aurait un pour la traduction littéraire et un pour le game design. Evidemment, ils seront issus du réseau actuel de 500NDG (les deux auxquels je pense en priorité sont informés…). Leur/notre rémunération salariée fixe sera faible, du moins au départ, pour ne pas gréver la stabilité de la structure par des coûts fixes (de l’ordre de 600-800 euros mensuels). Ils seraient générés par les revenus actuels d’ExoGlyphes, peut être de la Caravelle. ils seraient évidemment complétés par une part des profits réalisées en fin d’année, correspondant à leur part en capital. L’investissement en travail étant nécessaire (et son volume à fixer), on peut dire que ces capitalistes là s’auto-exploitent, dans l’espoir de dégager un profit compensateur. L’objectif est donc plutôt d’obtenir un niveau de rémunération « correct » et stable, non de transformer 500NDG en vache à lait.
2/ Les « clients-participateurs » : Le crowdfunding reste le moteur de base de 500NDG, notamment pour les projets les plus difficiles. Or, l’institutionnalisation de cette pratique, dans le monde du jeu, tend a réduire la contrepartie à une rétribution soit purement symbolique (« tous nos remerciements »…), soit purement commerciale (« des bidules en plus »). il existe pourtant une autre voie : impliquer les souscripteurs au meme niveau que les concepteurs du projet, c’est à dire en terme de « partage des profits » et droite au chapitre. Concrètement, comme dans une coopérative d’achat, une part des profits réalisés serait redistribuée aux souscripteurs-associés (en fonction de l’intensité de leur investissement sur l’année, et en privilégiant les projets les plus difficiles). S’il ne s’agit pas de « gagner en achetant », le coût final de leur soutien pourra en être drastiquement réduit (par rapport à un achat « en boutique »). De plus, une partie de la ligne éditoriale leur serait ouverte à vote, dans une chambre réservée. Tout cela exige bien sur une plateforme de gestion permettant aux souscripteurs-participateurs de gérer leurs « parts » et d’effectuer leurs votes.
3/ Les contributeurs par leur travail : il s’agit de tous les contributeurs du fandom actuels, occasionnels. Pas sur qu’ils puissent être intégrés formellement dans la mesure ou les coopérateurs au sens strict sont aussi salariés. Je ne vois malheureusement, dans les formes d’organisation du travail existantes, aucune solution permettant d’articuler sphère marchande et non marchande (en dehors de l’association) pour ces collaborateurs sans rentrer dans l’engrenage d’une gestion très lourde et coûteuse. La solution pourrait être de travailler de concert avec une association gérant la partie non marchande et qui pourrait elle-même être associée à 500NDG.
Bref, 500NDG deviendrait un éditeur « dont vous êtes le héros », ou « participatif » ou moyens, fonctionnement et objet seraient mis en cohérence. Il y aurait toujours de « simples » clients, mais ceux qui voudraient participer pleinement à un projet (au delà du « soutien moral ») auraient des raisons supplémentaires et précises de le faire.
Crédit photo : Même tiré de Robocop de Paul Verhoeven.